Le ferroviaire entame sa mutation

par | 13 décembre 2024 | Transport

Depuis 2020, le transport ferroviaire de voyageurs est ouvert à la concurrence. A grande vitesse, de nuit ou touristique, les opérateurs ferroviaires montrent de l’appétence pour le réseau français. Quels sont les exploitants qui arriveront à s’installer durablement sur le service librement organisé (open access) ?

La concurrence à grande vitesse est déjà installée et ambitieuse

En toute logique, les opérateurs historiques frontaliers sont arrivés les premiers en France.

Trenitalia

trenitalia

Trenitalia assure aujourd’hui 5 allers retours par jour entre Paris et Lyon ; son ambition est d’ajouter 4 allers retours par jours entre Paris et Marseille1 à partir de 2025.

A noter que les allers retours en Italie sont suspendus depuis l’éboulement dans la vallée de la Maurienne en août 2023.

Renfe

renfe

Renfe assure aujourd’hui 2 allers retours par jour : Madrid – Marseille et entre Lyon – Barcelone.

Une nouvelle liaison Toulouse – Barcelone est prévue fin 2025.

L’ambition d’exploiter des trains à grande vitesse sur l’axe Paris Lyon Marseille est retardée par des problèmes de fiabilité des rames2.

4 futurs opérateurs à grande vitesse affichent leurs ambitions

Le train voyage – 2027

le train

La cible de Le Train Voyage : la grande vitesse sans passer par Paris, pour transporter les voyageurs du Sud-Ouest , notamment sur l’axe Bordeaux Nantes dans un premier temps.

Le financement des 10 rames à grande vitesse, qui est la contrainte principale, est en cours.

Notons que Le Train Voyage a choisi les rames à grande vitesse du constructeur espagnol Talgo.

PROXIMA – 2027

Proxima ambitionne de réinventer la grande vitesse en fonction des besoins, des typologies des voyageurs (affaires, loisirs, besoin d’intimité, lieux de partage…). Cofondée par Rachel PICARD, ex-directrice de SNCF TGV Intercités, Proxima a déjà relevé 3 défis importants : levée de fonds de 1 milliard d’euros, contractualisation de l’achat de 12 rames Avelia Horizon d’Alstom, signature d’un accord avec Lisea pour l’utilisation du centre de maintenance près de Bordeaux !

Le Train, Proxima, et SNCF TGV : une guerre des prix à venir dans le Grand Ouest ?

SNCF TGV a annoncé qu’elle ajoutera 3,5 millions de places sur le Grand Ouest d’ici 2026 3 ; l’augmentation globale de l’offre de transport dans ce secteur pourrait se traduire par une guerre des prix entre les 3 opérateurs.

KEVIN SPEED (ILISTO) – 2028

Kevin Speed, c’est le RER à grande vitesse, les navettes du quotidien, qui permettent de faciliter le « commuting », le fait de voyager fréquemment pour rejoindre son lieu de travail.

Kevin Speed a contractualisé avec SNCF Réseau pour garantir le coût et la disponibilité sillons (les péages du ferroviaire) au démarrage de ses activités commerciales, en 2028 ; il reste à boucler le financement de l’achat de 20 rames à grande vitesse.

EVOLYN – 2026

Evolyn sera le premier concurrent historique d’Eurostar sur le trajet Paris – Londres.

L’opérateur a annoncé avoir conclu un accord avec Alstom pour 12 rames Avelia, commande qui reste à finaliser. Le projet est estimé à environ 1 milliard de livres sterling et se concentre exclusivement sur le segment passant dans le tunnel sous la Manche.

Des nouvelles lignes à inventer

European Sleeper

Spécialiste européen des liaisons ferroviaires de nuit, l’opérateur privé pourrait faire circuler ses premiers trains en France entre Amsterdam et Barcelone, via Paris, en 2027.

Le Grand Tour

Le train touristique de luxe du Puy du Fou est prévu de circuler en 2025 pour réaliser un tour de France de 4000 kilomètres.

Des défis à relever, parfois insurmontables

Le financement est crucial pour cette activité nécessitant un fort capital

Le coût d’une rame à grande vitesse neuve ? 30 millions d’euros.

Louer les rames à grande vitesse ? Il n’y a pas de marché de location sur ce type de matériel.

Rappelons notamment que deux potentiels exploitants ferroviaires ont abandonné leur projet en 2024 :

Railcoop, la coopérative du ferroviaire, après cinq ans d’une aventure ambitieuse – exploiter notamment la ligne Bordeaux-Lyon – avec plus de 8 millions d’euros engagés, est en liquidation depuis avril 2024 4, faute de financement.

Midnight trains avait l’ambition d’exploiter les trains de nuit en Europe mais doit abandonner faute de financement en mai 2024, après 4 ans d’aventure très documentée via une newsletter 5.

Le planning est contraint par la disponibilité des rames

Pour construire sa trajectoire et prévoir la date de la première circulation commerciale, un nouvel exploitant ferroviaire doit prévoir un plan d’action complet :

  • Financement et acquisition des matériels roulants
  • Préparation de la maintenance (sous-traitance, construction d’un site)
  • Recrutement du personnel (conducteurs, contrôleurs, gestionnaires de l’exploitation, etc.)
  • Formation
  • Systèmes d’information
  • Billettiques et canaux de distribution

C’est donc un environnement à 360° que les opérateurs ferroviaires doivent construire et la sous-traitance est nécessaire sur certains périmètres.

Le temps ferroviaire est un temps long, la concurrence met du temps à être visible par le grand public.

Malgré cela et les barrières à l’entrée, le rail français attire les exploitants aux profils variés : grande vitesse, de nuit, transfrontalier et touristique. Souhaitons que les exploitants, historiques ou nouveaux, avec l’appui de partenaires spécialisés comme Kern Consulting, arrivent à s’installer dans la durée dans le paysage ferroviaire français.

  1. https://www.autorite-transports.fr/wp-content/uploads/2023/04/sflo2024-005_hds-2025_formulaire-notification-trenitalia-france_vnc.pdf
  2. https://www.ville-rail-transports.com/ferroviaire/pourquoi-la-renfe-tarde-a-lancer-ses-trains-a-grande-vitesse-jusqua-paris/
  3. https://www.voyages-d-affaires.com/sncf-offre-tgv-atlantique-croissance-20241114.html
  4. https://reporterre.net/Liquidation-de-Railcoop-les-raisons-d-un-echec
  5. https://www.midnight-trains.com/blog-subcategories-fr/confidences