La Californie, 5ème économie mondiale en feu et bientôt inassurable ? 

par | 16 janvier 2025 | Assurance

Le cœur culturel de la Californie brûle : les luxueuses maisons de stars du « show business » sont réduites en cendre l’une après l’autre par le « Palisades Fire » en plein hiver. Ce feu, alimenté par des vents très violents, a frappé les quartiers les plus huppés de Los Angeles, deuxième ville la plus peuplée du pays le plus puissant du monde économiquement, politiquement, militairement, et le plus influent culturellement. Beaucoup ne seront même pas indemnisés ; car là où les maisons valent des millions voire des dizaines de millions d’euros, beaucoup ne sont plus assurés.

Que s’est-il donc passé pour en arriver là ?

Le système d’assurance en Californie

Aucun état des Etats-Unis n’a rendu obligatoire l’assurance habitation comme c’est le cas en France. En revanche, lorsque l’habitation est achetée à crédit, le prêteur exige la couverture du bien par un assureur. Il existe plusieurs niveaux de garantie standard couvrant tous l’incendie.

En 2020, la Californie comptait plus de 14 millions d’habitations pour près de 40 millions de personnes, 56% d’entre elles en tant que propriétaires

Depuis 1988, la Californie a instauré un régime d’autorisation préalable à la fixation des tarifs assurantiels pour certaines garanties comme l’assurance habitation. Ce régime, appelé « proposition 103 » [i], rend obligatoire la validation par le commissaire aux assurances de l’Etat de Californie du taux de prime appliqué par un assureur. Dans le cas des risques liés aux catastrophes naturelles, ce régime ne permet d’ajuster les tarifs d’une année sur l’autre que sur la base des sinistres constatés les 20 années précédentes, l’objectif étant d’éviter des augmentations abusives. En revanche, aucun mécanisme explicite ou implicite n’a été institué pour obliger les assureurs à proposer une couverture.

Dans le cas où un propriétaire ne trouverait pas de couverture d’assurance sur le marché, le « FAIR Plan »[ii] – pour « Fair Access to Insurance Requirements » – fait office de couverture en dernier recours. Il s’agit d’un pool d’assureurs mis en place il y a plus de 50 ans et contraints par la loi de couvrir le risque incendie pour les propriétaires n’ayant pas trouvé d’assureur via les mécanismes concurrentiels habituels.

Une offre assurantielle en crise

Le revers de la médaille est une diminution de l’offre assurantielle, dont l’impact est fortement ressenti depuis 2022 à la suite de la multiplication des feux de forêt en Californie. En effet, les assureurs ne peuvent pas adapter les primes à la réalité constatée récemment, et encore moins aux projections d’augmentation des catastrophes ; les réassureurs, eux, ne sont pas soumis à cette réglementation, et reflètent naturellement leur évaluation du risque dans les primes qu’ils imposent aux assureurs.

Les uns après les autres, confrontés à l’impossibilité d’ajuster les tarifs à la réalité du risque, les assureurs cessent donc de souscrire de nouveaux contrats, résilient en masse les contrats existants voire quittent purement et simplement l’Etat. Leur objectif est de rester rentables, et pour les plus fragiles d’éviter de sombrer. Selon l’antenne locale du média national NBC[iii], citant un rapport du Commissaire à l’assurance de Californie, pas moins de 7 des 12 assureurs les plus présents dans l’Etat ont réduit leur offre et/ou résilié des couvertures existantes.

En 2022, le « FAIR Plan » californien ne garantissait que 3% des garanties d’assurance habitation. Il a depuis explosé : +123% de couvertures souscrites en 3 ans pour atteindre 451 000 habitations couvertes à fin septembre 2024, dernières statistiques disponibles… Rien que dans le quartier de Palisades, d’où vient le nom d’un des feux en cours, l’augmentation est de +85% en un an, à la suite notamment de la résiliation par l’assureur State Farm de plusieurs milliers de contrats. Dans le célèbre quartier de Santa Monica, l’augmentation annuelle est de +128%.

On parle pourtant d’habitants souvent très aisés financièrement, le prix moyen d’une maison dans le quartier étant de 3,5 millions $.

Réglementation salvatrice ou fin d’une époque ?

Quelques jours avant le déclenchement des incendies en cours, le Commissaire aux assurances de Californie annonçait[iv] « une mesure constitu[ant] la dernière étape majeure d’une réforme historique visant à étendre la couverture d’assurance à toute la Californie ». Cette réforme vise à assouplir le contrôle sur la formation des tarifs d’assurance, en permettant notamment d’inclure les coûts de réassurance en contrepartie d’une obligation de couvrir les zones les plus à risque.

Si le taux de couverture assurantielle devait augmenter, l’impact serait certainement douloureux pour les assurés : certains assureurs ne souhaiteront même pas revenir sur ces zones très exposées, et pour ceux qui le feront, le tarif risque d’être très fortement à la hausse.

Cela ne pourrait qu’être le début pour un Etat fortement exposé aux catastrophes naturelles : incendies, submersion marine, inondations (les fameuses « rivières atmosphériques »), tremblements de terre.

Comme souvent dans ces situations, alors qu’il s’agit de la mesure de loin la plus efficace, on entend peu parler de prévention et d’adaptation, avec en particulier l’abandon de certaines zones et relogement pour les plus radicales. Gageons qu’une fois la poussière retombée, le sujet reviendra en force sur la table.


[i] https://www.insurance.ca.gov/01-consumers/150-other-prog/01-intervenor/

[ii] https://www.insurance.ca.gov/01-consumers/200-wrr/California-FAIR-Plan.cfm

[iii] https://www.nbcbayarea.com/investigations/consumer/insurers-keep-dropping-ca-homeowners/3663548/

[iv] https://www.insurance.ca.gov/0400-news/0100-press-releases/2024/release065-2024.cfm